Ce jeudi 9 octobre 2008 doivent se poser sur l'aérodrome d'Emmen (LU) les deux Rafale biplaces de Dassault Aviation qui seront évalués du 13 octobre au 7 novembre 2008 dans le cadre du projet de remplacement partiel de la flotte de Northrop F-5E Tiger II (Tiger ou Tigre) encore en service au sein de nos Forces aériennes.
Liminaire : un rappel et une précision
Pour rappel, les deux autres candidats à la succession au Tiger sont le Saab Gripen suédois - évalué du 28 juillet au 19 août 2008 - et l'Eurofighter Typhoon du consortium européen EADS - évaluation prévue du 10 novembre au 5 décembre 2008.
Pour précision, ma ligne éditoriale n'étant pas de procéder ici à des présentations ou à des comparatifs entre appareils de combat lorsque j'aborde la question du remplacement partiel de la flotte des Tiger, je vous renvoie volontiers sur avia news, l'excellent blog de Pascal Kümmerling. Grâce à lui et à ses lecteurs / commentateurs vous y trouverez votre bonheur, tant au niveau technique qu'au niveau des images de l'aigle de fer ou des dates de sa présentation officielle aux spotters et à la presse.
Le Rafale de Dassault Aviation
Dès qu'on a eu connaissance des quatre puis, après le retrait par Boeing de son F/A-18 E/F Super Hornet, des trois candidats retenus pour succéder au Tiger en Suisse, il s'est immédiatement formé deux clans au sein des spécialistes / experts et des commentateurs des Forces aériennes : celui des « pro- » et celui des « anti-Rafale ». Aucun des deux autres appareils retenus pour la procédure d'évaluation n'est en butte à ce phénomène.
Le clan des « pro »
Pour les « pro-Rafale », il s'agit tout simplement du plus bel avion du moment, si ce n'est du monde, la précision « de combat » devenant tout simplement accessoire. Pour le passionné d'aviation, le Rafale est beau, indéniablement. Si tel n'était le cas, je n'aurais pas choisi une image de Françoise Guilé pour illustrer ce billet.
Toutefois, même si l'affirmation de Marcel Dassault, le père du Mirage III, peut être considérée comme une vérité en matière d'aviation - si un avion est beau, alors il volera bien !, c'est un peu court pour justifier une dépense de quelque 2,5 milliards de francs suisses. Cela, tant devant le Parlement que lors de la campagne qui s'annonce épique autour de l'initiative populaire du GSsA (Groupement pour une Suisse sans armée) intitulée « Contre de nouveaux avions de combat ».
Le clan des « anti »
En ce qui concerne les « anti-Rafale », même si les arguments invoqués a priori contre l'acquisition de cet appareil par la Suisse apparaissent plus rationnels, l'analyse n'est en réalité pas beaucoup plus longue de celle des « pro-Rafale ».
Pour le clan des « anti », le Rafale ne constituerait pas l'avion de combat qu'il faut pour remplacer les Tiger parce que :
- il n'a jamais été vendu en dehors de l'Hexagone ;
- il est franco-français, entendez par là qu'il ne peut emporter, donc engager d'autres armes (notamment : missiles) ou équipements autres que ceux produits par l'industrie d'armement française.
L'argument a ceci de gênant qu'il laisse conclure trop vite que le Rafale ne se vendrait pas surtout en raison d'un prix trop élevé, voire de capacités opérationnelles inférieures à ses concurrents.
On explique rarement qu'à l'exemple de ce qui s'est passé aux Pays-Bas, le Rafale a souvent été écarté sur la base de critères autres que ceux propres à un appel d'offres public (lire l'article de Nicolas Gros-Verheyde sur son blog Bruxelles 2 (Europe de la Défense) : « Avion de chasse : les Pays-Bas ont-ils favorisé le F-35 ? »).
De la spécificité franco-française du Rafale
Le fait que l'Armée française dispose de manière générale de systèmes d'armes franco-français n'a pas empêché le retour de la France dans l'OTAN. Encore moins sa participation à des OPEX (OPérations EXtérieures) sous l'égide de l'OTAN / des Etats-Unis.
L'argument « acheter le Rafale implique de devoir acheter français et ne pas être interopérable au niveau international, le cas échéant » pose donc problème quant à sa validité intrinsèque.
Même l'invocation des coûts supplémentaires dû à l'acquisition de missiles spécifiques au Rafale laisse songeur. Car essayons de raisonner logiquement : y a-t-il un sens à dépenser quelque 2,5 milliards pour acquérir un nombre défini d'avions de combat nus de tout armement ...et répartir entre les deux flottes d'appareils le lot de missiles acquis pour équiper le F/A-18 C/D Hornet, histoire de se permettre d'acquérir un ...allez, deux appareils militaires de plus pour le même prix ?
En fait, reprocher au Rafale d'être franco-français laisse supposer que nous sommes incapables d'imaginer, d'une part notre aviation autrement qu'américano-américaine, et d'autre part une participation éventuelle à une politique européenne de sécurité et de défense (PESD) dotée d'un instrument et de standards militaires autres que ceux imposés par l'OTAN, en l'occurrence les Etats-Unis.
En conclusion : le Rafale, c'est pas les Bleux !
...et affirmer d'emblée que le Rafale de Dassault Aviation n'est pas l'avion de combat qu'il faut à la Suisse, cela à partir de critères qui ne sont ni militaires ni politiques ou fondés, revient à adopter l'approche et la grille d'analyse du supporter de la Nati discutant avant match de la « bande à Domenech ».
Pour en lire plus sur « François Monney blogue... » :
NAC 2010 : pas de Super Hornet pour la Suisse [billet du 2 mai 2008]
NAC 2010 : remplacement partiel des Tiger suisses [billet du 12 avril 2008]
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